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beau-père, qui avait fini ses jours paisiblement dans la tyrannie ; je m’imaginais qu’il n’y avait qu’à faire de même.

Gélon. — Ne vois-tu pas que tu avais commencé comme un homme de bien qui veut rendre la liberté à sa patrie ? Espérais-tu qu’on te souffrirait dans la tyrannie, puisqu’on ne s’était confié à toi qu’afin de renverser le tyran ? C’est un hasard quand les méchants évitent les dangers qui les environnent ; encore même sont-ils assez punis par le besoin où ils se trouvent de se précautionner contre ces périls. En répandant le sang humain, en désolant les républiques, ils n’ont aucun moment de repos ni de sûreté ; ils ne peuvent jamais goûter ni le plaisir de la vertu, ni la douceur de l’amitié, ni celle de la confiance et d’une bonne réputation. Mais toi, qui étais l’espérance des gens de bien, qui promettais des vertus sincères, qui avais voulu établir la république de Platon, tu commençais à vivre en tyran, et tu croyais qu’on te laisserait vivre !

Dion. — Oh bien ! si je retournais au monde, je laisserais les hommes se gouverner eux-mêmes comme ils pourraient. J’aimerais mieux m’aller cacher dans quelque île déserte que de me charger de gouverner une république. Si on est méchant, on a tout à craindre ; si on est bon, on a trop à souffrir.

Gélon. — Les bons rois, il est vrai, ont bien des peines à souffrir ; mais ils jouissent d’une tranquillité et d’un plaisir pur au dedans d’eux-mêmes que les tyrans ignorent toute leur vie. Sais-tu bien le secret de régner ainsi ? Tu devrais le savoir, car tu l’as souvent ouï dire à Platon.