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XXI

DENYS, PYTHIAS ET DAMON


La véritable vertu ne peut aimer que la vertu


Denys. — Ô dieux ! qu’est-ce qui se présente à mes yeux ? c’est Pythias qui arrive ; oui, c’est Pythias lui-même. Je ne l’aurais jamais cru. Ah ! c’est lui ; il vient pour mourir et pour dégager son ami.

Pythias. — Oui, c’est moi ; je n’étais parti que pour payer aux dieux ce que je leur avais voué, régler mes affaires domestiques selon la justice, et dire adieu à mes enfants pour mourir avec plus de tranquillité.

Denys. — Mais pourquoi reviens-tu ? Quoi donc ! ne crains-tu point la mort ? viens-tu la chercher comme un désespéré, un furieux ?

Pythias. — Je viens la souffrir, quoique je ne l’aie point méritée ; car je ne puis me résoudre à laisser mourir mon ami en ma place.

Denys. — Tu l’aimes donc plus que toi-même ?

Pythias. — Non, je l’aime comme moi ; mais je trouve que je dois périr plutôt que lui, puisque c’est moi que tu as eu intention de faire mourir : il ne serait pas juste qu’il souffrît, pour me délivrer de la mort, le supplice que tu m’as préparé.

Denys. — Mais tu prétends ne mériter pas plus la mort que lui.

Pythias. — Il est vrai ; nous sommes tous deux également innocents, et il n’est pas plus juste de me faire mourir que lui.