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était indigné contre tous les Athéniens, dans lesquels il ne voyait plus de trace de vertu ; te rencontrant un jour dans la rue, il te salua et te prit par la main en te disant : « Courage, mon enfant ! pourvu que tu croisses encore en autorité, tu donneras bientôt à ces gens-ci tous les maux qu’ils méritent. »

Alcibiade. — Faut-il s’amuser aux discours d’un mélancolique qui haïssait tout le genre humain ?

Mercure. — Laissons là ce mélancolique. Mais le conseil que tu donnas à Périclès, n’est-ce pas le conseil d’un voleur ?

Alcibiade. — Ô mon pauvre Mercure ! ce n’est point à toi à parler de voleur ; on sait que tu en as fait longtemps le métier : un dieu filou n’est pas propre à corriger les hommes sur la mauvaise foi en affaires d’argent.

Mercure. — Charon, je te conjure de le passer le plus vite que tu pourras ; car nous ne gagnerons rien avec lui. Prends garde seulement qu’il ne surprenne les trois juges, et Pluton même : avertis-les de ma part que c’est un scélérat capable de faire révolter tous les morts, et de renverser le plus paisible de tous les empires. La punition qu’il mérite, c’est de ne voir aucune femme, et de se taire toujours. Il a trop abusé de sa beauté et de son éloquence ; il a tourné tous ses grands talents à faire du mal.

Charon. — Je donnerai de bons mémoires contre lui ; et je crois qu’il passera fort mal son temps parmi les ombres, s’il n’a plus de mauvaises intrigues à y faire.