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Alcibiade. — C’est elle-même. Voilà l’histoire de ma mort et de ma sépulture. Vous reste-t-il quelque difficulté ?

Charon. — Oui, sans doute, une grande, que je te défie de lever.

Alcibiade. — Explique-la, nous verrons.

Charon. — Tu n’as pu te sauver de cette maison brûlée qu’en te jetant comme un désespéré au milieu de tes ennemis ; et tu veux que Timandra, qui demeura dans les ruines de cette maison toute en feu, n’ait souffert aucun mal ! De plus, j’entends dire à plusieurs ombres que les Lacédémoniens ni les Perses ne t’ont point fait mourir : on assure que tu avais séduit une jeune femme d’une maison très noble, selon ta coutume ; que les frères de cette femme voulurent se venger de ce déshonneur, et te firent brûler.

Alcibiade. — Quoi qu’il en soit, suivant ce conte même, tu ne peux douter que je n’aie été brûlé comme les autres morts.

Charon. — Mais tu n’as pas reçu les honneurs de la sépulture. Tu cherches des subtilités. Je vois bien que tu as été un dangereux brouillon.

Alcibiade. — J’ai été brûlé comme les autres morts, et cela suffit. Veux-tu donc que Timandra vienne t’apporter mes cendres, ou qu’elle t’envoie un certificat ? Mais si tu veux encore contester, je m’en rapporte aux trois juges d’ici-bas. Laissez-moi passer pour plaider ma cause devant eux.

Charon. — Bon ! tu l’aurais gagnée si tu passais. Voici un homme bien rusé !

Mercure. — Il faut avouer la vérité : en passant j’ai vu l’urne où la courtisane avait, disait-on, mis les cendres de son amant. Un homme qui savait si