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soyez un sage et charitable médecin, qui songe à guérir son malade par amitié pour lui, loin de le haïr. Le monde est un grand hôpital de tout le genre humain, qui doit exciter votre compassion : l’avarice, l’ambition, l’envie et la colère sont des plaies plus grandes et plus dangereuses dans les âmes, que des abcès et des ulcères ne le sont dans les corps. Guérissez tous les malades que vous pourrez guérir, et plaignez tous ceux qui se trouveront incurables.

Timon. — Oh ! voilà, mon cher Socrate, un sophisme facile à démêler. Il y a une extrême différence entre les vices de l’âme et les maladies du corps. Les maladies sont des maux qu’on souffre, et qu’on ne fait pas ; on n’en est point coupable, on est à plaindre. Mais, pour les vices, ils sont volontaires, ils rendent la volonté coupable. Ce ne sont pas des maux qu’on souffre ; ce sont des maux qu’on fait. Ces maux méritent de l’indignation et du châtiment, et non pas de la pitié.

Socrate. — Il est vrai qu’il y a deux sortes de maladies des hommes ; les unes involontaires et innocentes ; les autres volontaires, et qui rendent le malade coupable. Puisque la mauvaise volonté est le plus grand des maux, le vice est le plus déplorable de toutes les maladies. L’homme méchant qui fait souffrir les autres souffre lui-même par sa malice, et il se prépare les supplices que les justes dieux lui doivent : il est donc encore plus à plaindre qu’un malade innocent. L’innocence est une santé précieuse de l’âme : c’est une ressource et une consolation dans les plus affreuses douleurs. Quoi ! cesserez-vous de plaindre un homme parce qu’il est dans la plus funeste maladie,