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eux-mêmes, et qu’il n’y a plus d’autre loi réelle que leur volonté absolue. Ainsi les uns et les autres s’éloignent du but, qui est une liberté modérée par la seule autorité des lois, dont ceux qui gouvernent ne devraient être que les simples défenseurs. Celui qui gouverne doit être plus obéissant à la loi. Sa personne détachée de la loi n’est rien, et elle n’est consacrée qu’autant qu’il est lui-même, sans intérêt et sans passion, la loi vivante donnée pour le bien des hommes. Jugez par là combien les Grecs, qui méprisent tant les barbares, sont encore dans la barbarie. La guerre du Péloponèse, où la jalousie ambitieuse de deux républiques a mis tout en feu pendant vingt-huit ans, en est une funeste preuve. Vous-même qui parlez ici, n’avez-vous pas flatté tantôt l’ambition triste et implacable des Lacédémoniens, tantôt l’ambition des Athéniens, plus vaine et plus enjouée ? Athènes avec moins de puissance a fait de plus grands efforts et a triomphé longtemps de toute la Grèce ; mais enfin elle a succombé tout à coup, parce que le despotisme du peuple est une puissance folle et aveugle, qui se tourne contre elle-même et qui n’est absolue et au-dessus des lois que pour achever de se détruire.

Alcibiade. — Je vois bien qu’Anytus n’a pas eu tort de vous faire boire un peu de ciguë, et qu’on devait encore plus craindre votre politique que votre nouvelle religion.