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ce qu’il y aurait de bon en chaque peuple, et qui découvrirait ce que les lois de chaque pays lui ont apporté de bien et de mal. Au retour d’un tel voyage, ce philosophe serait un excellent législateur. Mais vous n’avez jamais été l’homme qu’il fallait pour donner des lois ; votre talent était pour les violer. À peine étiez-vous hors de l’enfance que vous conseillâtes à votre oncle Périclès d’engager la guerre, pour éviter de rendre compte des deniers publics. Je crois même qu’après votre mort vous seriez encore un dangereux garde des lois.

Alcibiade. — Laissez-moi là, je vous prie ; le fleuve d’oubli doit effacer toutes mes fautes : parlons des mœurs des peuples. Je n’ai trouvé partout que des coutumes et fort peu de lois. Tous les barbares n’ont d’autres règles que l’habitude et l’exemple de leurs pères. Les Perses mêmes, dont on a tant vanté les mœurs du temps de Cynis, n’ont aucune trace de cette vertu. Leur valeur et leur magnificence montrent un assez beau naturel, mais il est corrompu par la mollesse et par le faste le plus grossier. Leurs rois, encensés comme des idoles, ne sauraient être honnêtes gens ni connaître la vérité ; l’humanité ne peut soutenir avec modération une puissance aussi désordonnée que la leur. Ils s’imaginent que tout est fait pour eux ; ils se jouent du bien, de l’honneur et de la vie des autres hommes. Rien ne marque tant de barbarie dans une nation que cette forme de gouvernement ; car il n’y a plus de lois, et la volonté d’un seul homme dont on flatte toutes les passions est la loi unique.

Socrate. — Ce pays-là ne convenait guère à un génie aussi libre et aussi hardi que le vôtre. Mais