Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Hérodote. — Dans ton histoire véritable, et ailleurs, où tu prends mes relations pour des fables.

Lucien. — Avais-je tort ? Combien as-tu avancé de choses sur la parole des prêtres, et des autres gens qui veulent toujours du mystère et du merveilleux !

Hérodote. — Impie ! tu ne croyais pas la religion.

Lucien. — Il fallait une religion plus pure et plus sérieuse que celle de Jupiter et de Vénus, de Mars, d’Apollon et des autres dieux, pour persuader les gens de bon sens. Tant pis pour toi de l’avoir crue.

Hérodote. — Mais tu ne méprisais pas moins la philosophie. Rien n’était sacré pour toi.

Lucien. — Je méprisais les dieux, parce que les poètes nous les dépeignaient comme les plus malhonnêtes gens du monde. Pour les philosophes, ils faisaient semblant de n’estimer que la vertu, et ils étaient pleins de vices. S’ils eussent été philosophes de bonne foi, je les aurais respectés.

Hérodote. — Et Socrate, comment l’as-tu traité ? Est-ce sa faute ou la tienne ? Parle.

Lucien. — Il est vrai que j’ai badiné sur les choses dont on l’accusait ; mais je ne l’ai pas condamné sérieusement.

Hérodote. — Faut-il se jouer aux dépens d’un si grand homme sur des calomnies grossières ? Mais, dis la vérité, tu ne songeais qu’à rire, qu’à te moquer de tout, qu’à montrer du ridicule en chaque chose, sans te mettre en peine d’en établir aucune solidement.

Lucien. — Hé ! n’ai-je pas gourmandé les vices ? n’ai-je pas foudroyé les grands qui abusent de leur