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à l’abri de ces lois simples et claires, sans être réduits à consulter de vains sophistes sur le sens de divers textes, ou sur la manière de les concilier. Je conclurais que des lois ne sont guère bonnes quand il faut tant de savants pour les expliquer, et qu’ils ne sont jamais d’accord entre eux.

Justinien. — Pour accorder tout, j’ai fait ma compilation.

Solon. — Tribonien me disait hier que c’est lui qui l’a faite.

Justinien. — Il est vrai, mais il l’a faite par mes ordres. Un empereur ne fait pas lui-même un tel ouvrage.

Solon. — Pour moi, qui ai régné, j’ai cru que la fonction principale de celui qui gouverne les peuples est de leur donner des lois qui règlent tout ensemble le roi et les peuples, pour les rendre bons et heureux. Commander des armées et remporter des victoires n’est rien en comparaison de la gloire d’un législateur. Mais, pour revenir à votre Tribonien, il n’a fait qu’une compilation des lois de divers temps qui ont souvent varié, et vous n’avez jamais eu un vrai corps de lois faites ensemble par un même dessein, pour former les mœurs et le gouvernement entier d’une nation : c’est un recueil de lois particulières pour décider sur les prétentions réciproques des particuliers. Mais les Grecs ont seuls la gloire d’avoir fait des lois fondamentales pour conduire un peuple sur des principes philosophiques, et pour régler toute sa politique et tout son gouvernement. Pour la multitude de vos lois que vous vantez tant, c’est ce qui me fait croire que vous n’en avez pas eu de bonnes, ou que vous n’avez pas su les conserver dans leur simpli-