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XII

SOLON ET PISISTRATE


La tyrannie est souvent plus funeste aux souverains qu’aux peuples


Solon. — Eh bien ! tu croyais devenir le plus heureux des mortels en rendant tes concitoyens tes esclaves ; te voilà bien avancé ! Tu as méprisé toutes mes remontrances ; tu as foulé aux pieds toutes mes lois : que te reste-t-il de ta tyrannie, que l’exécration des Athéniens, et les justes peines que tu vas endurer dans le noir Tartare ?

Pisistrate. — Mais je gouvernais assez doucement. Il est vrai que je voulais gouverner, et sacrifier tout ce qui était suspect à mon autorité.

Solon. — C’est ce qu’on appelle un tyran. Il ne fait point le mal par le seul plaisir de le faire ; mais le mal ne lui coûte rien toutes les fois qu’il le croit utile à l’accroissement de sa grandeur.

Pisistrate. — Je voulais acquérir de la gloire.

Solon. — Quelle gloire à mettre sa patrie dans les fers et à passer dans toute la postérité pour un impie qui n’a connu ni justice, ni bonne foi, ni humanité ! Tu devais acquérir de la gloire, comme tant d’autres Grecs, en servant ta patrie, et non en l’opprimant comme tu as fait.

Pisistrate. — Mais quand on a assez d’élévation de génie et d’éloquence pour gouverner, il est bien rude de passer sa vie dans la dépendance d’un peuple capricieux.

Solon. — J’en conviens ; mais il faut tâcher de