Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

barbare, qui n’est ni instruit ni aguerri. Il manque de sages conseils ; ou, si on les lui offre, il ne sait pas les suivre, et préfère toujours d’autres conseils faibles ou trompeurs.

Xerxès. — Les Grecs voulaient faire une muraille pour fermer l’isthme ; mais elle n’était pas encore faite, et je pouvais y entrer.

Léonidas. — La muraille n’était pas faite, il est vrai : mais tu n’étais pas fait pour prévenir ceux qui la voulaient faire. Ta faiblesse fut plus favorable aux Grecs que leur force.

Xerxès. — Si j’eusse pris cet isthme, j’aurais fait voir…

Léonidas. — Tu aurais fait quelque autre faute ; car il fallait que tu en fisses, étant aussi gâté que tu l’étais par la mollesse, par l’orgueil, et par la haine des conseils sincères. Tu étais encore plus facile à surprendre que l’isthme.

Xerxès. — Mais je n’étais ni lâche ni méchant, comme tu t’imagines.

Léonidas. — Tu avais naturellement du courage et de la bonté de cœur. Les larmes que tu répandis à la vue de tant de milliers d’hommes, dont il n’en devait rester aucun sur la terre avant la fin du siècle, marquent assez ton humanité. C’est le plus bel endroit de ta vie. Si tu n’avais pas été un roi trop puissant et trop heureux, tu aurais été un assez honnête homme.