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à quoi aboutit la folle vanité des hommes qui veulent forcer les lois de la nature et oublier leur propre faiblesse.

Xerxès. — Ah ! les rois qui peuvent tout (je le vois bien, mais, hélas ! je le vois trop tard) sont livrés à toutes leurs passions. Hé ! quel moyen quand on est homme de résister à sa propre puissance et à la flatterie de tous ceux dont on est entouré ! Oh ! quel malheur de naître dans de si grands périls !

Léonidas. — Voilà pourquoi je fais plus de cas de ma royauté que de la tienne. J’étais roi à condition de mener une vie dure, sobre et laborieuse, comme mon peuple. Je n’étais roi que pour défendre ma patrie et pour faire régner les lois : ma royauté me donnait le pouvoir de faire du bien, sans me permettre de faire du mal.

Xerxès. — Oui ; mais tu étais pauvre, sans éclat, sans autorité. Un de mes satrapes était bien plus grand et plus magnifique que toi.

Léonidas. — Je n’aurais pas eu de quoi percer le mont Athos, comme toi. Je crois même que chacun de tes satrapes volait dans sa province plus d’or et d’argent que nous n’en avions dans toute notre république. Mais nos armes, sans être dorées, savaient fort bien percer ces hommes lâches et efféminés, dont la multitude innombrable te donnait une si vaine confiance.

Xerxès. — Mais enfin, si je fusse entré d’abord dans le Péloponèse, toute la Grèce était dans les fers. Aucune ville, pas même la tienne, n’eût pu me résister.

Léonidas. — Je le crois comme tu le dis : et c’est en quoi je méprise la grande puissance d’un peuple