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et surtout des tiens. C’est la valeur et non pas le nombre qui rend invincible.

Xerxès. — Ton action est un coup de fureur et de désespoir.

Léonidas. — C’était une action sage et généreuse. Nous crûmes que nous devions nous dévouer à une mort certaine, pour t’apprendre ce qu’il en coûte quand on veut mettre les Grecs dans la servitude, et pour donner le temps à toute la Grèce de se préparer à vaincre ou à périr comme nous. En effet, cet exemple de courage étonna les Perses et ranima les Grecs découragés. Notre mort fut bien employée.

Xerxès. — Oh que je suis fâché de n’être point entré dans le Péloponèse après avoir ravagé l’Attique ! j’aurais mis en cendres ta Lacédémone comme j’y mis Athènes. Misérable, impudente, je t’aurais…

Léonidas. — Ce n’est plus ici le temps ni des injures ni des flatteries : nous sommes au pays de la vérité. T’imagines-tu donc être le grand roi ? tes trésors sont bien loin ; tu n’as plus de gardes ni d’armée, plus de faste ni de délices ; la louange ne vient plus chatouiller tes oreilles ; te voilà nu, seul, prêt à être jugé par Minos. Mais ton ombre est encore bien en colère et bien superbe ; tu n’étais pas plus emporté quand tu faisais fouetter la mer. En vérité, tu méritais bien d’être fouetté toi-même pour cette extravagance. Et ces fers dorés (t’en souviens-tu ?) que tu fis jeter dans l’Hellespont pour tenir les tempêtes dans ton esclavage ! Plaisant homme, pour dompter la mer ! Tu fus contraint bientôt après de repasser à la hâte en Asie dans une barque, comme un pêcheur. Voilà