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naient pas grande envie de succéder à ces deux rois. Enfin je représentai que je n’avais jamais été à la guerre. On persista à me désirer ; je me rendis : mais j’ai toujours vécu pauvre, simple, modéré dans la royauté, sans me préférer à aucun citoyen. J’ai réuni les deux peuples des Sabins et des Romains, en sorte qu’on ne peut plus les distinguer. J’ai fait revivre l’âge d’or. Tous les peuples, non seulement des environs de Rome, mais encore de l’Italie, ont senti l’abondance que j’ai répandue partout. Le labourage mis en honneur a adouci les peuples farouches et les a attachés à la patrie, sans leur donner une ardeur inquiète pour envahir les terres de leurs voisins.

Romulus. — Cette paix et cette abondance ne servent qu’à enorgueillir les peuples, qu’à les rendre indociles à leur roi et qu’à les amollir ; en sorte qu’ils ne peuvent plus ensuite supporter les fatigues et les périls de la guerre. Si on fût venu vous attaquer, qu’auriez-vous fait, vous qui n’aviez jamais rien vu pour la guerre ? Il aurait fallu dire aux ennemis d’attendre jusqu’à ce que vous eussiez consulté la nymphe.

Numa. — Si je n’ai pas su faire la guerre comme vous, j’ai su l’éviter et me faire respecter et aimer de tous mes voisins. J’ai donné aux Romains des lois qui, en les rendant justes, laborieux, sobres, les rendront toujours assez redoutables à ceux qui voudraient les attaquer. Je crains bien encore qu’ils ne se ressentent trop de l’esprit de rapine et de violence auquel vous les aviez accoutumés.