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temps que tu ne pouvais plus souffrir que je partageasse la royauté avec toi. Tous ceux qui ont passé le Styx après moi m’ont assuré que tu n’as pas même sauvé les apparences : nul regret de ma mort, nul soin de la venger ni de punir mes meurtriers. Mais tu as trouvé ce que tu méritais. Quand on apprend à des impies à massacrer un roi, bientôt ils sauront faire périr l’autre.

Romulus. — Eh bien ! quand je t’aurais fait tuer, j’aurais suivi l’exemple de mauvaise foi que tu m’avais donné en trompant cette pauvre fille qu’on nommait Tarpéia. Tu voulus qu’elle te laissât monter avec tes troupes pour surprendre la roche qui fut, de son nom, appelée Tarpéienne. Tu lui avais promis de lui donner, ce que les Sabins portaient à la main gauche. Elle croyait avoir les bracelets de grand prix qu’elle avait vus ; on lui donna tous les boucliers dont on l’accabla sur-le-champ. Voilà une action perfide et cruelle.

Tatius. — La tienne, de me faire tuer en trahison, est encore plus noire ; car nous avions juré alliance et uni nos deux peuples. Mais je suis vengé. Tes sénateurs ont bien su réprimer ton audace et ta tyrannie. Il n’est resté aucune parcelle de ton corps déchiré ; apparemment chacun eut soin d’emporter son morceau sous sa robe. Voilà comment on te fit dieu. Proculus te vit avec une majesté d’immortel. N’es-tu pas content de ces honneurs, toi qui es si glorieux ?

Romulus. — Pas trop : mais il n’y a point de remède à mes maux. On me déchire et on m’adore ; c’est une espèce de dérision. Si j’étais encore vivant, je les…

Tatius. — Il n’est plus temps de menacer, les