Socrate. — Il faut donc que je les croie, ces relateurs ?
Confucius. — Pourquoi non ?
Socrate. — Et que je les croie dans le mal comme dans le bien ? Répondez, de grâce.
Confucius. — Je le veux.
Socrate. — Selon ces relateurs, le peuple de la terre le plus vain, le plus superstitieux, le plus intéressé, le plus injuste, le plus menteur, c’est le Chinois.
Confucius. — Il y a partout des hommes vains et menteurs.
Socrate. — Je l’avoue ; mais à la Chine les principes de toute la nation, auxquels on n’attache aucun déshonneur, sont de mentir et de se prévaloir du mensonge. Que peut-on attendre d’un tel peuple pour les vérités éloignées, et difficiles à éclaircir ? Ils sont fastueux dans toutes leurs histoires : comment ne le seraient-ils pas, puisqu’ils sont même si vains et si exagérants pour les choses présentes qu’on peut examiner de ses propres yeux, et où l’on peut les convaincre d’avoir voulu imposer aux étrangers ? Les Chinois, sur le portrait que j’en ai ouï faire, me paraissent assez semblables aux Égyptiens. C’est un peuple tranquille et paisible, dans un beau et riche pays ; un peuple vain qui méprise tous les autres peuples de l’univers ; un peuple qui se pique d’une antiquité extraordinaire, et qui met sa gloire dans le nombre de siècles de sa durée ; c’est un peuple superstitieux jusqu’à la superstition la plus grossière et la plus ridicule, malgré sa politesse ; c’est un peuple qui a mis toute sa sagesse à garder ses lois, sans oser examiner ce qu’elles ont de bon ; c’est un peuple