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connaissent la leur propre. Quand le commerce sera entièrement libre et fréquent, quand les critiques européens auront passé dans la Chine pour examiner en rigueur tous les anciens manuscrits de votre histoire, quand ils auront séparé les fables et les choses douteuses d’avec les certaines, quand ils auront vu le fort et le faible du détail des mœurs antiques, peut-être trouvera-t-on que la multitude des hommes a été toujours faible, vaine et corrompue chez vous comme partout ailleurs, et que les hommes ont été hommes dans tous les pays et dans tous les temps.

Confucius. — Mais pourquoi n’en croyez-vous pas nos historiens et vos relateurs ?

Socrate. — Vos historiens nous sont inconnus ; on n’en a que des morceaux extraits et rapportés par des relateurs peu critiques. Il faudrait savoir à fond votre langue, lire tous vos livres, voir surtout les originaux, et attendre qu’un grand nombre de savants eût fait cette étude à fond, afin que, par le grand nombre d’examinateurs, la chose pût être pleinement éclaircie. Jusque-là votre nation me paraît un spectacle beau et grand de loin, mais très douteux et équivoque.

Confucius. — Voulez-vous ne rien croire, parce que Fernand Mendez Pinto a beaucoup exagéré ? Douterez-vous que la Chine ne soit un vaste et puissant empire, très peuplé et bien policé ; que les arts n’y fleurissent ; qu’on n’y cultive les hautes sciences ; que le respect des lois n’y soit admirable ?

Socrate. — Par où voulez-vous que je me convainque de toutes ces choses ?

Confucius. — Par vos propres relateurs.