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sages législateurs et certains citoyens désintéressés qui n’ont songé qu’au bien de la république, nous avons été bien plus polis et plus vertueux que les peuples que nous avons nommés barbares. Les Égyptiens, avant nous, ont eu aussi des sages qui les ont policés, et c’est d’eux que nous sont venues les bonnes lois. Parmi les républiques de la Grèce, la nôtre a excellé dans les arts libéraux, dans les sciences, dans les armes : mais celle qui a montré le plus longtemps une discipline pure et austère, c’est celle de Lacédémone. Je conviens donc qu’un peuple gouverné par de bons législateurs qui se sont succédé les uns aux autres, et qui ont soutenu les coutumes vertueuses, peut être mieux policé que les autres qui n’ont pas eu la même culture. Un peuple bien conduit sera plus sensible à l’honneur, plus ferme contre les périls, moins sensible à la volupté, plus accoutumé à se passer de peu, plus juste pour empêcher les usurpations et les fraudes de citoyen à citoyen. C’est ainsi que les Lacédémoniens ont été disciplinés ; c’est ainsi que les Chinois ont pu l’être dans les siècles reculés. Mais je persiste à croire que tout un peuple n’est point capable de remonter aux vrais principes de la vraie sagesse : il peut garder certaines règles utiles et louables ; mais c’est plutôt par l’autorité de l’éducation, par le respect des lois, par le zèle de la patrie, par l’émulation qui vient des exemples, par la force de la coutume, souvent même par la crainte du déshonneur et par l’espérance d’être récompensé. Mais être philosophe, suivre le beau et le bon en lui-même par la simple persuasion, et par le vrai et libre amour du beau et du bon, c’est ce qui ne peut jamais être répandu dans tout un