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d’une république me paraît enfin impossible, tant je suis désabusé du genre humain.

Confucius. — Pour moi, j’ai écrit, et j’ai envoyé mes disciples pour tâcher de réduire aux bonnes mœurs toutes les provinces de notre empire.

Socrate. — Vous avez écrit des choses courtes et simples, si toutefois ce qu’on a publié sous votre nom est effectivement de vous. Ce ne sont que des maximes qu’on a peut-être recueillies de vos conversations, comme Platon, dans ses Dialogues, a rapporté les miennes. Des maximes coupées de cette façon ont une sécheresse qui n’était pas, je m’imagine, dans vos entretiens. D’ailleurs vous étiez d’une maison royale, et en grande autorité dans toute votre nation : vous pouviez faire bien des choses qui ne m’étaient pas permises, à moi fils d’un artisan. Pour moi, je n’avais garde d’écrire et je n’ai que trop parlé : je me suis même éloigné de tous les emplois de ma république pour apaiser l’envie ; et je n’ai pu y réussir, tant il est impossible de faire quelque chose de bon des hommes.

Confucius. — J’ai été plus heureux parmi les Chinois ; je les ai laissés avec des lois sages, et assez bien policés.

Socrate. — De la manière que j’entends parler sur les relations de nos Européens, il faut en effet que la Chine ait eu de bonnes lois et une exacte police. Il y a grande apparence que les Chinois ont été meilleurs qu’ils ne sont. Je ne veux pas désavouer qu’un peuple, quand il a une bonne et constante forme de gouvernement, ne puisse devenir fort supérieur aux autres peuples moins bien policés. Par exemple, nous autres Grecs, qui avons eu de