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un livre passe dans les mains des hommes incapables d’en faire un bon usage ; un livre est susceptible de plusieurs sens contraires à celui de l’auteur. J’ai mieux aimé choisir certains hommes, et leur confier une doctrine que je leur fisse bien comprendre de vive voix.

Confucius. — Ce plan est beau ; il marque des pensées bien simples et bien solides, bien exemptes de vanité. Mais avez-vous évité par là toutes les diversités d’opinions parmi vos disciples ? Pour moi, j’ai évité les subtilités de raisonnement, et je me suis borné à des maximes sensées pour la pratique des vertus dans la société.

Socrate. — Pour moi, j’ai cru qu’on ne peut établir les vraies maximes qu’en remontant aux premiers principes qui peuvent les prouver, et en réfutant tous les autres préjugés des hommes.

Confucius. — Mais enfin, par vos premiers principes, avez-vous évité les combats d’opinions entre vos disciples ?

Socrate. — Nullement : Platon et Xénophon, mes principaux disciples, ont eu des vues toutes différentes. Les académiciens formés par Platon se sont divisés entre eux ; cette expérience m’a désabusé de mes espérances sur les hommes. Un homme ne peut presque rien sur les autres hommes. Les hommes ne peuvent rien sur eux-mêmes, par l’impuissance où l’orgueil et les passions les tiennent ; à plus forte raison les hommes ne peuvent-ils rien les uns sur les autres : l’exemple, et la raison insinuée avec beaucoup d’art, font seulement quelque effet sur un fort petit nombre d’hommes mieux nés que les autres. Une réforme générale