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vaine n’est non plus Achille que la mienne n’est mon corps. N’espérez donc pas, éloquent Ulysse, m’éblouir par une fausse apparence d’immortalité. Je veux quelque chose de plus réel ; faute de quoi je persiste dans la secte brutale que j’ai embrassée. Montrez-moi que l’homme a en lui quelque chose de plus noble que son corps, et qui est exempt de la corruption ; montrez-moi que ce qui pense en l’homme n’est point le corps, et subsiste toujours après que cette machine grossière est déconcertée ; en un mot, faites voir que ce qui reste de l’homme après cette vie est un être véritable et véritablement heureux ; établissez que les dieux ne sont point injustes et qu’il y a au delà de cette vie une solide récompense pour la vertu, toujours souffrante ici-bas : aussitôt, divin fils de Laërte, je cours après vous au travers des dangers ; je sors content de l’étable de Circé, je ne suis plus cochon, je redeviens homme, et homme en garde contre tous les plaisirs. Par tout autre chemin, vous ne me conduirez jamais à votre but. J’aime mieux n’être que cochon gros et gras, content de mon ordure, que d’être homme faible, vain, léger, malin, trompeur et injuste, qui n’espère d’être après sa mort qu’une ombre triste, et un fantôme mécontent de sa condition.