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princes, ou plutôt de ces monstres affamés de carnage ! Celui-ci est plus doux. Je crois qu’il aimera la paix, et qu’il saura faire la guerre. On voit en lui les commencements d’un grand prince, comme on remarque dans un bouton de rose naissante ce qui promet une belle fleur.

Charon. — Mais n’est-il pas bouillant et impétueux ?

Mercure. — Il l’est étrangement.

Charon. — Que veux-tu donc dire avec tes Muses ? Il ne saura jamais rien ; il mettra le désordre partout, et nous enverra bien des ombres plaintives. Tant mieux.

Mercure. — Il est impétueux, mais il n’est point méchant : il est curieux, docile, plein de goût pour les belles choses ; il aime les honnêtes gens, et sait bon gré à ceux qui le corrigent. S’il peut surmonter sa promptitude et sa paresse, il sera merveilleux, je te le prédis.

Charon. — Quoi ! prompt et paresseux ? Cela se contredit. Tu rêves.

Mercure. — Non, je ne rêve point. Il est prompt à se fâcher, et paresseux à faire son devoir ; mais chaque jour il se corrige.

Charon. — Nous ne l’aurons donc point sitôt ?

Mercure. — Non ; ses maux sont plutôt des impatiences que de vraies douleurs. Jupiter le destine à faire longtemps le bonheur des hommes.