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Mercure. — Oui, si jeune. Il avait la goutte remontée, et criait comme s’il eût vu la mort de bien près.

Charon. — Eh bien ! l’aurons-nous ?

Mercure. — Je ne me fie plus à lui ; il m’a trompé trop souvent. À peine fut-il dans son lit, qu’il oublia son mal et s’endormit.

Charon. — Mais ce n’était donc pas un vrai mal ?

Mercure. — C’était un petit mal qu’il croyait grand ; il a donné bien des fois de telles alarmes. Je l’ai vu, avec la colique, qui voulait qu’on lui ôtât son ventre. Une autre fois, saignant du nez, il croyait que son âme allait sortir dans son mouchoir.

Charon. — Comment ira-t-il à la guerre ?

Mercure. — Il la fait avec des échecs, sans mal et sans douleur. Il a déjà donné plus de cent batailles.

Charon. — Triste guerre ! il ne nous en revient aucun mort.

Mercure. — J’espère cependant que s’il peut se défaire du badinage et de la mollesse, il fera grand fracas un jour. Il a la colère et les pleurs d’Achille ; il pourrait bien en avoir le courage ; il est assez mutin pour lui ressembler. On dit qu’il aime les Muses, qu’il a un Chiron, un Phœnix…

Charon. — Mais tout cela ne fait pas notre compte. Il nous faudrait plutôt un jeune prince brutal, ignorant, grossier, qui méprisât les lettres, qui n’aimât que les armes ; toujours prêt à s’enivrer de sang, qui mît sa gloire dans le malheur des hommes. Il remplirait ma barque vingt fois par jour.

Mercure. — Ho ! ho ! il t’en faut donner, de ces