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moque ; et il en rend la pratique si difficile dans la plupart des conditions, qu’au milieu même des nations chrétiennes, et où l’autorité souveraine appuie le christianisme, on est en danger de rougir du nom de Jésus-Christ et de l’imitation de sa vie.

Représentez fortement le bonheur que nous avons d’être incorporés à Jésus-Christ par l’Eucharistie. Dans le Baptême, il nous fait ses frères, dans l’Eucharistie, il nous fait ses membres. Comme il s’était donné, par l’Incarnation, à la nature humaine en général ; il se donne, par l’Eucharistie, qui est une suite si naturelle de l’Incarnation, à chaque fidèle en particulier. Tout est réel dans la suite de ses mystères ; Jésus-Christ donne sa chair aussi réellement qu’il l’a prise : mais c’est se rendre coupable du corps et du sang du Seigneur, c’est boire et manger son jugement, que de manger la chair vivifiante de Jésus-Christ sans vivre de son esprit. Celui, dit-il lui-même, qui me mange, doit vivre pour moi.

Mais quel malheur, direz-vous encore, d’avoir besoin du sacrement de la Pénitence, qui suppose qu’on a péché depuis qu’on a été fait enfant de Dieu ! Quoique cette puissance toute céleste qui s’exerce sur la terre, et que Dieu a mise dans les mains des prêtres, pour lier et pour délier les pécheurs selon leurs besoins, soit une si grande source de miséricordes, il faut trembler dans la crainte d’abuser des dons de Dieu et de sa patience. Pour le corps de Jésus-Christ, qui est la vie, la force et la consolation des justes, il faut désirer ardemment de pouvoir s’en nourrir tous les jours ; mais pour le remède des âmes malades, il faut souhaiter de parvenir à une santé si parfaite, qu’on en diminue tous les jours le besoin. Le besoin, quoi qu’on fasse, ne sera que trop grand ; mais ce serait bien pis, si on faisait de toute sa vie un cercle continuel et scandaleux du péché à la pénitence, et de la pénitence au péché. Il n’est donc question