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aucune querelle, pouvait en avoir à toute heure avec des gens qui cherchaient des prétextes pour se signaler dans quelque combat. Quelque modéré qu’on fût, on ne pouvait, sans perdre le faux honneur, ni éviter une querelle par un éclaircissement, ni refuser d’être second du premier venu qui voulait se battre. Quelle autorité n’a-t-il pas fallu pour déraciner une coutume si barbare ? Voyez donc combien les préjugés de l’éducation sont puissants : ils le seront bien davantage pour la vertu, quand ils seront soutenus par la raison, et par l’espérance du royaume du ciel. Les Romains, dont nous avons déjà parlé, et avant eux les Grecs, dans les bons temps de leurs républiques, nourrissaient leurs enfants dans le mépris du faste et de la mollesse : ils leur apprenaient à n’estimer que la gloire ; à vouloir, non pas posséder les richesses, mais vaincre les rois qui les possédaient ; à croire qu’on ne peut se rendre heureux que par la vertu. Cet esprit s’était si fortement établi dans ces républiques, qu’elles ont fait des choses incroyables, selon ces maximes si contraires à celles de tous les autres peuples. L’exemple de tant de martyrs, et d’autres premiers Chrétiens de toute condition et de tout âge, fait voir que la grâce du baptême, étant ajoutée au secours de l’éducation, peut faire des impressions encore bien plus merveilleuses dans les fidèles, pour leur faire mépriser ce qui appartient au corps. Cherchez donc tous les tours les plus agréables et les comparaisons les plus sensibles, pour représenter aux enfants que notre corps est semblable aux bêtes, et que notre âme est semblable aux anges. Représentez un cavalier qui est monté sur un cheval, et qui le conduit ; dites que l’âme est à l’égard du corps ce que le cavalier est à l’égard du cheval. Finissez en concluant qu’une âme est bien faible et bien malheureuse, quand elle se laisse emporter par son corps comme par un cheval fougueux qui la jette dans un précipice. Faites