Les gens qui enseignent doivent développer le plus qu’ils peuvent dans l’esprit des enfants ces connaissances, qui sont les fondements de toute la religion. Mais, quand ils ne peuvent y réussir, ils doivent, bien loin de se rebuter des esprits durs et tardifs, espérer que Dieu les éclairera intérieurement. Il y a même une voie sensible et de pratique pour affermir cette connaissance de la distinction du corps et de l’âme ; c’est d’accoutumer les enfants à mépriser l’un, et à estimer l’autre, dans tout le détail des mœurs. Louez l’instruction, qui nourrit l’âme et qui la fait croître ; estimez les hautes vérités qui l’animent à se rendre sage et vertueuse. Méprisez la bonne chère, les parures, et tout ce qui amollit le corps : faites sentir combien l’honneur, la bonne conscience et la religion sont au-dessus des plaisirs grossiers. Par de tels sentiments, sans raisonner sur le corps et sur l’âme, les anciens Romains avaient appris à leurs enfants à mépriser leur corps, et à le sacrifier pour donner à l’âme le plaisir de la vertu et de la gloire. Chez eux ce n’était pas seulement les personnes d’une naissance distinguée, c’était le peuple entier qui naissait tempérant, désintéressé, plein de mépris pour la vie, uniquement sensible à l’honneur et à la sagesse. Quand je parle des anciens Romains, j’entends ceux qui ont vécu avant que l’accroissement de leur empire eût altéré la simplicité de leurs mœurs.
Qu’on ne dise point qu’il serait impossible de donner aux enfants de tels préjugés par l’éducation. Combien voyons-nous de maximes qui ont été établies parmi nous contre l’impression des sens par la force de la coutume ! Par exemple, celle du duel fondée sur une fausse règle d’honneur. Ce n’était point en raisonnant, mais en supposant sans raisonner la maxime établie sur le point d’honneur, qu’on exposait sa vie, et que tout homme d’épée vivait dans un péril continuel. Celui qui n’avait