donc ? Racontez-lui l’histoire de saint Pierre ; représentez-le qui dit d’un ton présomptueux : S’il faut mourir, je vous suivrai ; quand tous les autres vous quitteraient, je ne vous abandonnerai jamais. Puis dépeignez sa chute ; il renie trois fois Jésus-Christ ; une servante lui fait peur. Dites pourquoi Dieu permit qu’il fût si faible : puis servez-vous de la comparaison d’un enfant ou d’un malade, qui ne saurait marcher tout seul ; et faites-lui entendre que nous avons besoin que Dieu nous porte, comme une nourrice porte son enfant : par là, vous rendrez sensible le mystère de la grâce.
Mais la vérité la plus difficile à faire entendre, est que nous avons une âme plus précieuse que notre corps. On accoutume d’abord les enfants à parler de leur âme ; et on fait bien, car ce langage qu’ils n’entendent point ne laisse pas de les accoutumer à supposer confusément la distinction du corps et de l’âme, en attendant qu’ils puissent la concevoir. Autant que les préjugés de l’enfance sont pernicieux quand ils mènent à l’erreur, autant sont-ils utiles lorsqu’ils accoutument l’imagination à la vérité, en attendant que la raison puisse s’y tourner par principes. Mais enfin il faut établir une vraie persuasion. Comment le faire ? Sera-ce en jetant une jeune fille dans des subtilités de philosophie ? Rien n’est si mauvais. Il faut se borner à lui rendre claire et sensible, s’il se peut, ce qu’elle entend et ce qu’elle dit tous les jours. Pour son corps, elle ne le connaît que trop ; tout la porte à le flatter, à l’orner, et à s’en faire une idole : il est capital de lui en inspirer le mépris, en lui montrant quelque chose de meilleur en elle.
Dites donc à un enfant en qui la raison agit déjà : Est-ce votre âme qui mange ? S’il répond mal, ne le grondez point ; mais dites-lui doucement que l’âme ne mange pas. C’est le corps, direz-vous, qui mange ; c’est le corps qui est semblable aux bêtes. Les bêtes ont-elles