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Il y a une autre espèce de sensibilité encore plus difficile et plus importante à donner, c’est celle de l’amitié. Dès qu’un enfant en est capable, il n’est plus question que de tourner son cœur vers des personnes qui lui soient utiles. L’amitié le mènera presque à toutes les choses qu’on voudra de lui ; on a un lien assuré pour l’attirer au bien, pourvu qu’on sache s’en servir : il ne reste plus à craindre que l’excès ou le mauvais choix dans ses affections. Mais il y a d’autres enfants qui naissent politiques, cachés, indifférents, pour rapporter secrètement tout à eux-mêmes : ils trompent leurs parents que la tendresse rend crédules ; ils font semblant de les aimer ; ils étudient leurs inclinations pour s’y conformer, ils paraissent plus dociles que les autres enfants du même âge, qui agissent sans déguisement selon leur humeur ; leur souplesse, qui cache une volonté âpre, paraît une véritable douceur ; et leur naturel dissimulé ne se déploie tout entier, que quand il n’est plus temps de le redresser.

S’il y a quelque naturel d’enfant sur lequel l’éducation ne puisse rien, on peut dire que c’est celui-là ; et cependant il faut avouer que le nombre en est plus grand qu’on ne s’imagine. Les parents ne peuvent se résoudre à croire que leurs enfants aient le cœur mal fait : quand ils ne veulent pas le voir d’eux-mêmes, personne n’ose entreprendre de les en convaincre, et le mal augmente toujours. Le principal remède serait de mettre les enfants, dès le premier âge, dans une grande liberté de découvrir leurs inclinations. Il faut toujours les connaître à fond, avant que de les corriger. Ils sont naturellement simples et ouverts ; mais si peu qu’on les gêne, ou qu’on leur donne quelque exemple de déguisement, ils ne reviennent plus à cette première simplicité. Il est vrai que Dieu seul donne la tendresse et la bonté du cœur : on peut seulement tâcher de l’exciter par des exemples généreux,