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d’autres enfants qui ne fassent guère mieux que lui ; des exemples disproportionnés à sa faiblesse achèveraient de le décourager.

Donnez-lui de temps en temps de petites victoires sur ceux dont il est jaloux ; engagez-le, si vous le pouvez, à rire librement avec vous de sa timidité ; faites-lui voir des gens timides comme lui, qui surmontent enfin leur tempérament ; apprenez-lui par des instructions indirectes, à l’occasion d’autrui, que la timidité et la paresse étouffent l’esprit ; que les gens mous et inappliqués, quelque génie qu’ils aient, se rendent imbéciles, et se dégradent eux-mêmes. Mais gardez-vous bien de lui donner ces instructions d’un ton austère et impatient ; car rien ne renfonce tant au-dedans de lui-même un enfant mou et timide, que la rudesse. Au contraire, redoublez vos soins pour assaisonner de facilités et de plaisirs proportionnés à son naturel le travail que vous ne pouvez lui épargner ; peut-être faudra-t-il même de temps en temps le piquer par le mépris et par les reproches. Vous ne devez pas le faire vous-même, il faut qu’une personne inférieure, comme un autre enfant, le fasse, sans que vous paraissiez le savoir.

Saint Augustin raconte qu’un reproche fait à la sainte Monique sa mère, dans son enfance, par une servante, la toucha jusqu’à la corriger d’une mauvaise habitude de boire du vin pur, dont la véhémence et la sévérité de sa gouvernante n’avait pu la préserver. Enfin il faut tâcher de donner du goût à l’esprit de ces sortes d’enfants, comme on tâche d’en donner au corps de certains malades. On leur laisse chercher ce qui peut guérir leur dégoût ; on leur souffre quelques fantaisies aux dépens mêmes des règles, pourvu qu’elles n’aillent pas à des excès dangereux. Il est bien plus difficile de donner du goût à ceux qui n’en ont pas, que de former le goût de ceux qui ne l’ont pas encore tel qu’il doit être.