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été célèbre par son esprit à l’âge de cinq ans, qui est tombé dans l’obscurité et dans le mépris à mesure qu’on l’a vu croître. De toutes les qualités qu’on voit dans les enfants, il n’y en a qu’une sur laquelle on puisse compter, c’est le bon raisonnement ; il croît toujours avec eux, pourvu qu’il soit bien cultivé : les grâces de l’enfance s’effacent ; la vivacité s’éteint ; la tendresse de cœur se perd même souvent, parce que les passions et le commerce des hommes politiques endurcissent insensiblement les jeunes gens qui entrent dans le monde. Tâchez donc de découvrir, au travers des grâces de l’enfance, si le naturel que vous avez à gouverner manque de curiosité, et s’il est peu sensible à une honnête émulation. En ce cas, il est difficile que toutes les personnes chargées de son éducation ne se rebutent bientôt dans un travail si ingrat et si épineux. Il faut donc remuer promptement tous les ressorts de l’âme de l’enfant pour le tirer de cet assoupissement. Si vous prévoyez cet inconvénient, ne pressez pas d’abord les instructions suivies ; gardez-vous bien de charger sa mémoire, car c’est ce qui étonne et qui appesantit le cerveau ; ne le fatiguez point par des règles gênantes ; égayez-le ; puisqu’il tombe dans l’extrémité contraire à la présomption, ne craignez point de lui montrer avec discrétion de quoi il est capable ; contentez-vous de peu ; faites-lui remarquer ses moindres succès ; représentez-lui combien mal à propos il a craint de ne pouvoir réussir dans des choses qu’il fait bien ; mettez en œuvre l’émulation. La jalousie est plus violente dans les enfants qu’on ne saurait se l’imaginer ; on en voit quelquefois qui sèchent et qui dépérissent d’une langueur secrète, parce que d’autres sont plus aimés et plus caressés qu’eux. C’est une cruauté trop ordinaire aux mères, que de leur faire souffrir ce tourment ; mais il faut savoir employer ce remède dans les besoins pressants contre l’indolence : mettez devant l’enfant que vous élevez