les réjouir. La sobriété donne toujours assez d’appétit, sans avoir besoin de le réveiller par des ragoûts qui portent à l’intempérance. La tempérance, disait un ancien, est la meilleure ouvrière de la volupté : avec cette tempérance, qui fait la santé du corps et de l’âme, on est toujours dans une joie douce et modérée : on n’a besoin ni de machines, ni de spectacles, ni de dépense pour se réjouir ; un petit jeu qu’on invente, une lecture, un travail qu’on entreprend, une promenade, une conversation innocente qui délasse après le travail, font sentir une joie plus pure que la musique la plus charmante.
Les plaisirs simples sont moins vifs et moins sensibles, il est vrai : les autres enlèvent l’âme en remuant les ressorts des passions. Mais les plaisirs simples sont d’un meilleur usage ; ils donnent une joie égale et durable sans aucune suite maligne : ils sont toujours bienfaisants ; au lieu que les autres plaisirs sont comme les vins frelatés, qui plaisent d’abord plus que les naturels, mais qui altèrent, et qui nuisent à la santé. Le tempérament de l’âme se gâte, aussi bien que le goût, par la recherche de ces plaisirs vifs et piquants. Tout ce qu’on peut faire pour les enfants qu’on gouverne, c’est de les accoutumer à cette vie simple, d’en fortifier en eux l’habitude le plus longtemps qu’on peut, de les prévenir de la crainte des inconvénients attachés aux autres plaisirs, et de ne les point abandonner à eux-mêmes, comme on fait d’ordinaire, dans l’âge où les passions commencent à se faire sentir, et où par conséquent ils ont plus besoin d’être retenus.
Il faut avouer que de toutes les peines de l’éducation, aucune n’est comparable à celle d’élever des enfants qui manquent de sensibilité. Les naturels vifs et sensibles sont capables de terribles égarements : les passions et la présomption les entraînent ; mais aussi ils ont de grandes