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apprendre à lire d’abord en latin, ce qui leur ôte tout le plaisir de la lecture, et qu’on veut les accoutumer à lire avec une emphase forcée et ridicule. Il faut leur donner un livre bien relié, doré même sur la tranche, avec de belles images et des caractères bien formés. Tout ce qui réjouit l’imagination facilite l’étude : il faut tâcher de choisir un livre plein d’histoires courtes et merveilleuses. Cela fait, ne soyez pas en peine que l’enfant n’apprenne à lire : ne le fatiguez pas même pour le faire lire exactement, laissez-le prononcer naturellement comme il parle ; les autres tons sont toujours mauvais, et sentent la déclamation du collège : quand sa langue sera dénouée, sa poitrine plus forte, et l’habitude de lire plus grande, il lira sans peine, avec plus de grâce, et plus distinctement. La manière d’enseigner à écrire doit être à peu près de même. Quand les enfants savent déjà un peu lire, on peut leur faire un divertissement de former des lettres ; et s’ils sont plusieurs ensemble, il faut y mettre de l’émulation. Les enfants se portent d’eux-mêmes à faire des figures sur le papier : si peu qu’on aide cette inclination sans la gêner trop, ils formeront les lettres en se jouant, et s’accoutumeront peu à peu à écrire. On peut même les y exciter en leur promettant quelque récompense qui soit de leur goût, et qui n’ait point de conséquence dangereuse.

Ecrivez-moi un billet, dira-t-on ; mandez telle chose à votre frère ou à votre cousin : tout cela fait plaisir à l’enfant, pourvu qu’aucune image triste de leçon réglée ne le trouble. Une libre curiosité, dit saint Augustin, sur sa propre expérience, excite bien plus l’esprit des enfants, qu’une règle et une nécessité imposée par la crainte. Remarquez un grand défaut des éducations ordinaires : on met tout le plaisir d’un côté, et tout l’ennui de l’autre ; tout l’ennui dans l’étude, tout le plaisir dans les divertissements.