choses qu’ils n’entendent point : nulle liberté, nul enjouement ; toujours leçon, silence, posture gênée, correction et menaces.
Les anciens l’entendaient bien mieux : c’est par le plaisir des vers et de la musique, que les principales sciences, les maximes des vertus et la politesse des mœurs, s’introduisirent chez les Hébreux, chez les Egyptiens et chez les Grecs. Les gens sans lecture ont peine à le croire ; tant cela est éloigné de nos coutumes. Cependant, si peu qu’on connaisse l’histoire, il n’y a pas moyen de douter que ce n’ait été la pratique vulgaire de plusieurs siècles. Du moins retranchons-nous, dans la nôtre, à joindre l’agréable à l’utile autant que nous le pouvons. Mais, quoiqu’on ne puisse guère espérer de se passer toujours d’employer la crainte pour le commun des enfants, dont le naturel est dur et indocile, il ne faut pourtant y avoir recours qu’après avoir éprouvé patiemment tous les autres remèdes. Il faut même toujours faire entendre distinctement aux enfants à quoi se réduit tout ce qu’on leur demande, et moyennant quoi on sera content d’eux ; car il faut que la joie et la confiance soient leur disposition ordinaire : autrement on obscurcit leur esprit, on abat leur courage ; s’ils sont vifs, on les irrite ; s’ils sont mous, on les rend stupides. La crainte est comme les remèdes violents qu’on emploie dans les maladies extrêmes ; ils purgent, mais ils altèrent le tempérament, et usent les organes : une âme menée par la crainte en est toujours plus faible.
Au reste, quoiqu’il ne faille pas toujours menacer sans châtier, de peur de rendre les menaces méprisables, il faut pourtant châtier encore moins qu’on ne menace. Pour les châtiments, la peine doit être aussi légère qu’il est possible, mais accompagnée de toutes les circonstances qui peuvent piquer l’enfant de honte et de remords : par