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Un enfant qui n’agit encore que par imagination, et qui confond dans sa tête les choses qui se présentent à lui liées ensemble, hait l’étude et la vertu, parce qu’il est prévenu d’aversion pour la personne qui lui en parle.

Voilà d’où vient cette idée si sombre et si affreuse de la piété, qu’il retient toute sa vie ; c’est souvent tout ce qui lui reste d’une éducation sévère. Souvent il faut tolérer des choses qui auraient besoin d’être corrigées, et attendre le moment où l’esprit de l’enfant sera disposé à profiter de la correction. Ne le reprenez jamais, ni dans son premier mouvement, ni dans le vôtre. Si vous le faites dans le vôtre, il s’aperçoit que vous agissez par humeur et par promptitude, et non par raison et par amitié ; vous perdez sans ressource votre autorité. Si vous le reprenez dans son premier mouvement, il n’a pas l’esprit assez libre pour avouer sa faute, pour vaincre sa passion, et pour sentir l’importance de vos avis ; c’est même exposer l’enfant à perdre le respect qu’il vous doit. Montrez-lui toujours que vous vous possédez : rien ne lui fera mieux voir que votre patience. Observez tous les moments pendant plusieurs jours, s’il le faut, pour bien placer une correction. Ne dites point à l’enfant son défaut, sans ajouter quelque moyen de le surmonter, qui l’encourage à le faire ; car il faut éviter le chagrin et le découragement que la correction inspire quand elle est sèche. Si on trouve un enfant un peu raisonnable, je crois qu’il faut l’engager insensiblement à demander qu’on lui dise ses défauts ; c’est le moyen de les lui dire sans l’affliger : ne lui en dites même jamais plusieurs à la fois.

Il faut considérer que les enfants ont la tête faible, que leur âge ne les rend encore sensibles qu’au plaisir, et qu’on leur demande souvent une exactitude et un sérieux dont ceux qui l’exigent seraient incapables. On fait même une dangereuse impression d’ennui et de tristesse sur leur tempérament, en leur parlant toujours des mots et des