un mensonge, et qu’il n’y a rien de plus beau que de dire franchement : J’ai tort. Après cela, la première personne peut louer celle qui s’est ainsi accusée elle-même : mais il faut que tout cela se fasse sans affectation ; car les enfants sont bien plus pénétrants qu’on ne croit, et dès qu’ils ont aperçu quelque finesse dans ceux qui les gouvernent, ils perdent la simplicité et la confiance qui leur sont naturelles.
Nous avons remarqué que le cerveau des enfants est tout ensemble chaud et humide, ce qui leur cause un mouvement continuel. Cette mollesse du cerveau fait que toutes choses s’y impriment facilement, et que les images de tous les objets sensibles y sont très vives : ainsi il faut se hâter d’écrire dans leur tête pendant que les caractères s’y forment aisément. Mais il faut bien choisir les images qu’on y doit graver ; car on ne doit verser dans un réservoir si petit et si précieux que des choses exquises ; il faut se souvenir qu’on ne doit à cet âge verser dans les esprits que ce qu’on souhaite qui y demeure toute la vie. Les premières images gravées pendant que le cerveau est encore mou, et que rien n’y est écrit, sont les plus profondes. D’ailleurs elles se durcissent à mesure que l’âge dessèche le cerveau ; ainsi elles deviennent ineffaçables : de là vient que, quand on est vieux, on se souvient distinctement des choses de la jeunesse, quoique éloignées ; au lieu qu’on se souvient moins de celles qu’on a vues dans un âge plus avancé, parce que les traces en ont été faites dans le cerveau lorsqu’il était déjà desséché et plein d’autres images.
Quand on entend faire ces raisonnements, on a peine à les croire. Il est pourtant vrai qu’on raisonne de même sans s’en apercevoir. Ne dit-on pas tous les jours : J’ai pris mon pli ; je suis trop vieux pour changer ; j’ai été nourri de cette façon ? D’ailleurs ne sent-on pas un plaisir singulier à rappeler les images de la jeunesse ? Les plus