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parce qu’ils avaient remarqué qu’on l’avait fait souvent ; ils s’imaginaient n’avoir rien en eux que d’extraordinaire et d’admirable. Il faut donc prendre soin des enfants, sans leur laisser voir qu’on pense beaucoup à eux. Montrez-leur que c’est par amitié, et par le besoin où ils sont d’être redressés, que vous êtes attentif à leur conduite, et non par l’admiration de leur esprit. Contentez-vous de les former peu à peu selon les occasions qui viennent naturellement : quand même vous pourriez avancer beaucoup l’esprit d’un enfant sans le presser, vous devriez craindre de le faire ; car le danger de la vanité et de la présomption est toujours plus grand que le fruit de ces éducations prématurées qui font tant de bruit.

Il faut se contenter de suivre et d’aider la nature. Les enfants savent peu, il ne faut pas les exciter à parler : mais comme ils ignorent beaucoup de choses, ils ont beaucoup de questions à faire, aussi en font-ils beaucoup. Il suffit de leur répondre précisément, et d’ajouter quelquefois certaines petites comparaisons pour rendre plus sensibles les éclaircissements qu’on doit leur donner. S’ils jugent de quelque chose sans le bien savoir, il faut les embarrasser par quelque question nouvelle, pour leur faire sentir leur faute, sans les confondre rudement. En même temps il faut leur faire apercevoir, non par des louanges vagues, mais par quelque marque effective d’estime, qu’on les approuve bien plus quand ils doutent, et qu’ils demandent ce qu’ils ne savent pas, que quand ils décident le mieux. C’est le vrai moyen de mettre dans leur esprit, avec beaucoup de politesse, une modestie véritable, et un grand mépris pour les contestations qui sont si ordinaires aux jeunes personnes peu éclairées.

Dès qu’il paraît que leur raison a fait quelque progrès, il faut se servir de cette expérience pour les prémunir