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magnifique des héros de romans : elles se gâtent même par-là pour le monde ; car tous ces beaux sentiments en l’air, toutes ces passions généreuses, toutes ces aventures que l’auteur du roman a inventées pour le plaisir, n’ont aucun rapport avec les vrais motifs qui font agir dans le monde, et qui décident des affaires, ni avec les mécomptes qu’on trouve dans tout ce qu’on entreprend.

Une pauvre fille, pleine du tendre et du merveilleux qui l’ont charmée dans ses lectures, est étonnée de ne trouver point dans le monde de vrais personnages qui ressemblent à ces héros : elle voudroit vivre comme ces princesses imaginaires, qui sont dans les romans toujours charmantes, toujours adorées, toujours au-dessus de tous les besoins. Quel dégoût pour elle de descendre de l’héroïsme jusqu’au plus bas détail du ménage !

Quelques-unes poussent leur curiosité encore plus loin, et se mêlent de décider sur la religion, quoiqu’elles n’en soient point capables. Mais celles qui n’ont pas assez d’ouverture d’esprit pour ces curiosités, en ont d’autres qui leur sont proportionnées : elles veulent ardemment savoir ce qui se dit, ce qui se fait, une chanson, une nouvelle, une intrigue, recevoir des lettres, lire celles que les autres reçoivent ; elles veulent qu’on leur dise tout, elles veulent aussi tout dire ; elles sont vaines, et la vanité fait parler beaucoup ; elles sont légères, et la légèreté empêche les réflexions qui feroient souvent garder le silence.



CHAPITRE III.
QUELS SONT LES PREMIERS FONDEMENTS DE L’ÉDUCATION.


Pour remédier à tous ces maux, c’est un grand avantage que de pouvoir commencer l’éducation des filles