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plaisirs. À quoi donc s’occupera-t-elle ? à rien d’utile. Cette inapplication se tourne même en habitude incurable.

Cependant voilà un grand vide, qu’on ne peut espérer de remplir de choses solides ; il faut donc que les frivoles prennent la place. Dans cette oisiveté, une fille s’abandonne à sa paresse ; et la paresse, qui est une langueur de l’âme, est une source inépuisable d’ennuis. Elle s’accoutume à dormir d’un tiers plus qu’il ne faudroit pour conserver une santé parfaite ; ce long sommeil ne sert qu’à l’amollir, qu’à la rendre plus délicate, plus exposée aux révoltes du corps : au lieu qu’un sommeil médiocre, accompagné d’un exercice réglé, rend une personne gaie, vigoureuse et robuste ; ce qui fait, sans doute, la véritable perfection du corps, sans parler des avantages que l’esprit en tire. Cette mollesse et cette oisiveté étant jointes à l’ignorance, il en naît une sensibilité pernicieuse pour les divertissements et pour les spectacles ; c’est même ce qui excite une curiosité indiscrète et insatiable.

Les personnes instruites, et occupées à des choses sérieuses, n’ont d’ordinaire qu’une curiosité médiocre : ce qu’elles savent leur donne du mépris pour beaucoup de choses qu’elles ignorent ; elles voient l’inutilité et le ridicule de la plupart des choses que les petits esprits qui ne savent rien, et qui n’ont rien à faire, sont empressés d’apprendre.

Au contraire les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute d’aliment solide, leur curiosité se tourne en ardeur vers les objets vains et dangereux. Celles qui ont de l’esprit s’érigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité ; elles se passionnent pour des romans, pour des comédies, pour des récits d’aventures chimériques, où l’amour profane est mêlé. Elles se rendent l’esprit visionnaire, en s’accoutumant au langage