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CHAPITRE II.
INCONVÉNIENTS DES ÉDUCATIONS ORDINAIRES.


Lignorance d’une fille est cause qu’elle s’ennuie, et qu’elle ne sait à quoi s’occuper innocemment. Quand elle est venue jusqu’à un certain âge sans s’appliquer aux choses solides, elle n’en peut avoir ni le goût ni l’estime ; tout ce qui est sérieux lui paroît triste, tout ce qui demande une attention suivie la fatigue ; la pente aux plaisirs, qui est forte pendant la jeunesse, l’exemple des personnes du même âge qui sont plongées dans l’amusement, tout sert à lui faire craindre une vie réglée et laborieuse. Dans ce premier âge, elle manque d’expérience et d’autorité pour gouverner quelque chose dans la maison de ses parents : elle ne connoît pas même l’importance de s’y appliquer, à moins que sa mère n’ait pris soin de la lui faire remarquer en détail. Si elle est de condition, elle est exempte du travail des mains : elle ne travaillera donc que quelque heure du jour, parce qu’on dit, sans savoir pourquoi, qu’il est honnête aux femmes de travailler ; mais souvent ce ne sera qu’une contenance, et elle ne s’accoutumera point à un travail suivi.

En cet état que fera-t-elle ? La compagnie d’une mère qui l’observe, qui la gronde, qui croit la bien élever en ne lui pardonnant rien, qui se compose avec elle, qui lui fait essuyer ses humeurs, qui lui paroît toujours chargée de tous les soucis domestiques, la gêne et la rebute ; elle a autour d’elle des femmes flatteuses, qui, cherchant à s’insinuer par des complaisances basses et dangereuses, suivent toutes ses fantaisies, et l’entretiennent de tout ce qui peut la dégoûter du bien : la piété lui paroît une occupation languissante, et une règle ennemie de tous les