CHAPITRE PREMIER.
DE L’IMPORTANCE DE L’ÉDUCATION DES FILLES.
Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles. La
coutume et le caprice des mères y décident souvent de
tout : on suppose qu’on doit donner à ce sexe peu d’instruction.
L’éducation des garçons passe pour une des
principales affaires par rapport au bien public ; et quoiqu’on
n’y fasse guère moins de fautes que dans celle des
filles, du moins on est persuadé qu’il faut beaucoup de
lumières pour y réussir. Les plus habiles gens se sont
appliqués à donner des règles dans cette matière. Combien
voit-on de maîtres et de colléges ! combien de dépenses
pour des impressions de livres, pour des recherches
de sciences, pour des méthodes d’apprendre les
langues, pour le choix des professeurs ! Tous ces grands
préparatifs ont souvent plus d’apparence que de solidité ;
mais enfin ils marquent la haute idée qu’on a de l’éducation
des garçons. Pour les filles, dit-on, il ne faut pas
qu’elles soient savantes, la curiosité les rend vaines et
précieuses ; il suffit qu’elles sachent gouverner un jour
leurs ménages, et obéir à leurs maris sans raisonner. On
ne manque pas de se servir de l’expérience qu’on a de
beaucoup de femmes que la science a rendues ridicules :
après quoi on se croit en droit d’abandonner aveuglé-