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à de grands sentiments, pourvu qu’on évite la vanité et l’affectation.

On croit d’ordinaire qu’il faut qu’une fille de qualité qu’on veut bien élever apprenne l’italien et l’espagnol ; mais je ne vois rien de moins utile que cette étude, à moins qu’une fille ne se trouvât attachée auprès de quelque princesse espagnole ou italienne, comme nos reines d’Autriche et de Médicis. D’ailleurs ces deux langues ne servent guère qu’à lire des livres dangereux, et capables d’augmenter les défauts des femmes ; il y a beaucoup plus à perdre qu’à gagner dans cette étude. Celle du latin serait bien plus raisonnable, car c’est la langue de l’Eglise : il y a un fruit et une consolation inestimable à entendre le sens des paroles de l’office divin, où l’on assiste si souvent. Ceux même qui cherchent les beautés du discours en trouveront de bien plus parfaites et plus solides dans le latin que dans l’italien et dans l’espagnol, où règne un jeu d’esprit et une vivacité d’imagination sans règle. Mais je ne voudrais faire apprendre le latin qu’aux filles d’un jugement ferme et d’une conduite modeste, qui sauraient ne prendre cette étude que pour ce qu’elle vaut, qui renonceraient à la vaine curiosité, qui cacheraient ce qu’elles auraient appris, et qui n’y chercheraient que leur édification.

Je leur permettrais aussi, mais avec un grand choix, la lecture des ouvrages d’éloquence et de poésie, si je voyais qu’elles en eussent le goût, et que leur jugement fût assez solide pour se borner au véritable usage des choses ; mais je craindrais d’ébranler trop les imaginations vives, et je voudrais en tout cela une exacte sobriété : tout ce qui peut faire sentir l’amour, plus il est adouci et enveloppé, plus il me paraît dangereux.

La musique et la peinture ont besoin des mêmes précautions ; tous ces arts sont du même génie et du même goût. Pour la musique, on sait que les anciens croyaient