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petite république, qui est d’ordinaire fort tumultueuse. Il faut sans doute de l’autorité ; car moins les gens sont raisonnables, plus il faut que la crainte les retienne : mais comme ce sont des Chrétiens, qui sont vos frères en Jésus-Christ, et que vous devez respecter comme ses membres, vous êtes obligé de ne payer d’autorité que quand la persuasion manque.

Tâchez de vous faire aimer de vos gens sans aucune basse familiarité : n’entrez pas en conversation avec eux ; mais aussi ne craignez pas de leur parler assez souvent avec affection et sans hauteur sur leurs besoins. Qu’ils soient assurés de trouver en vous du conseil et de la compassion : ne les reprenez point aigrement de leurs défauts, n’en paraissez ni surpris ni rebuté, tant que vous espérez qu’ils seront pas incorrigibles ; faites-leur entendre doucement raison, et souffrez souvent d’eux pour le service, afin d’être en état de les convaincre de sang-froid que c’est sans chagrin et sans impatience que vous leur parlez, bien moins pour votre service que pour leur intérêt. Il ne sera pas facile d’accoutumer les jeunes personnes de qualité à cette conduite douce et charitable ; car l’impatience et l’ardeur de la jeunesse, jointe à la fausse idée qu’on leur donne de leur naissance, leur fait regarder les domestiques à peu près comme des chevaux : on se croit d’une autre nature que les valets ; on suppose qu’ils sont faits pour la commodité de leurs maîtres. Tâchez de montrer combien ces maximes sont contraires à la modestie pour soi, et à l’humanité pour son prochain. Faites entendre que les hommes ne sont point faits pour être servis ; que c’est une erreur brutale de croire qu’il y ait des hommes nés pour flatter la paresse et l’orgueil des autres ; que le service étant établi contre l’égalité naturelle des hommes, il faut l’adoucir autant qu’on le peut ; que les maîtres, qui sont mieux élevés que leurs valets, étant