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sortant du triomphe. Cela est si éloigné de nos mœurs, qu’on ne pourrait le croire, si peu qu’il y eût dans l’histoire quelque prétexte pour en douter. Mais n’est-il pas naturel qu’on ne songe à défendre ou à augmenter son pays, que pour le cultiver paisiblement ? À quoi sert la victoire, sinon à cueillir les fruits de la paix ? Après tout, la solidité de l’esprit consiste à vouloir s’instruire exactement de la manière dont se font les choses qui sont les fondements de la vie humaine ; toutes les plus grandes affaires roulent là-dessus. La force et le bonheur d’un Etat consiste, non à avoir beaucoup de provinces mal cultivées, mais à tirer de la terre qu’on possède tout ce qu’il faut pour nourrir aisément un peuple nombreux.

Il faut sans doute un génie bien plus élevé et plus étendu pour s’instruire de tous les arts qui ont rapport à l’économie, et pour être en état de bien policer toute une famille, qui est une petite république, que pour jouer, discourir sur des modes, et s’exercer à de petites gentillesses de conversations. C’est une sorte d’esprit bien méprisable, que celui qui ne va qu’à bien parler : on voit de tous côtés des femmes dont la conversation est pleine de maximes solides, et qui, faute d’avoir été appliquées de bonne heure, n’ont rien que de frivole dans la conduite. Mais prenez garde au défaut opposé : les femmes courent risque d’être extrêmes en tout. Il est bon de les accoutumer dès l’enfance à gouverner quelque chose, à faire des comptes, à voir la manière de faire les marchés de tout ce qu’on achète, et à savoir comment il faut que chaque chose soit faite pour être d’un bon usage. Mais craignez aussi que l’économie n’aille en elles jusqu’à l’avarice ; montrez-leur en détail tous les ridicules de cette passion. Dites-leur ensuite : Prenez garde que l’avarice gagne peu, et qu’elle se déshonore beaucoup. Un esprit raisonnable ne doit chercher, dans une vie