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Ce qui reste à faire, c’est de désabuser les filles du bel esprit. Si on n’y prend garde, quand elles ont quelque vivacité, elles s’intriguent, elles veulent parler de tout, elles décident sur les ouvrages les moins proportionnés à leur capacité, elles affectent de s’ennuyer par délicatesse. Une fille ne doit parler que pour de vrais besoins, avec un air de doute et de déférence ; elle ne doit pas même parler des choses qui sont au-dessus de la portée commune des filles, quoiqu’elle en soit instruite. Qu’elle ait, tant qu’elle voudra, de la mémoire, de la vivacité, des tours plaisants, de la facilité à parler avec grâce ; toutes ces qualités lui seront communes avec un grand nombre d’autres femmes fort peu sensées et fort méprisables. Mais qu’elle ait une conduite exacte et suivie, un esprit égal et réglé ; qu’elle sache se taire et conduire quelque chose : cette qualité si rare la distinguera dans son sexe. Pour la délicatesse et l’affectation d’ennui, il faut la réprimer, en montrant que le bon goût consiste à s’accommoder des choses selon qu’elles sont utiles.

Rien n’est estimable que le bon sens et la vertu : l’un et l’autre font regarder le dégoût et l’ennui, non comme une délicatesse louable, mais comme une faiblesse d’un esprit malade. Puisqu’on doit vivre avec des esprits grossiers, et dans des occupations qui ne sont pas délicieuses, la raison qui est la seule bonne délicatesse, consiste à se rendre grossier avec les gens qui le sont. Un esprit qui goûte la politesse, mais qui sait s’élever au-dessus d’elle, dans le besoin, pour aller à des choses plus solides, est infiniment supérieur aux esprits délicats et surmontés par leur dégoût.