Page:Fénélon - Oeuvres complètes, Tome XVII, 1830.djvu/104

Cette page n’a pas encore été corrigée

trompe encore plus la personne qui la possède, que ceux qui en sont éblouis ; elle trouble, elle enivre l’âme ; on est plus sottement idolâtre de soi-même, que les amants les plus passionnés ne le sont de la personne qu’ils aiment. Il n’y a qu’un fort petit nombre d’années de différence entre une belle femme et une autre qui ne l’est pas. La beauté ne peut être que nuisible, à moins qu’elle ne serve à faire marier avantageusement une fille : mais comment y servira-t-elle, si elle n’est soutenue par le mérite et par la vertu ? Elle ne peut espérer d’épouser qu’un jeune fou, avec qui elle sera malheureuse, à moins que sa sagesse et sa modestie ne la fassent rechercher par des hommes d’un esprit réglé, et sensibles aux qualités solides. Les personnes qui tirent toute leur gloire de leur beauté deviennent bientôt ridicules : elles arrivent, sans s’en apercevoir, à un certain âge où leur beauté se flétrit ; et elles sont encore charmées d’elles-mêmes, quoique le monde, bien loin de l’être, en soit dégoûté. Enfin, il est aussi déraisonnable de s’attacher uniquement à la beauté, que de vouloir mettre tout le mérite dans la force du corps, comme font les peuples barbares et sauvages. De la beauté passons à l’ajustement. Les véritables grâces ne dépendent point d’une parure vaine et affectée. Il est vrai qu’on peut chercher la propreté, la proportion et la bienséance, dans les habits nécessaires pour couvrir nos corps ; mais, après tout, ces étoffes qui nous couvrent, et qu’on peut rendre commodes et agréables, ne peuvent jamais être des ornements qui donnent une vraie beauté.

Je voudrais même faire voir aux jeunes filles la noble simplicité qui paraît dans les statues et dans les autres figures qui nous restent des femmes grecques et romaines ; elles y verraient combien des cheveux noués négligemment par derrière, et des draperies pleines et flottant à