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que ce qu’on doit vouloir, on le désire ouvertement, et on le cherche par des voies droites avec modération. Qu’y a-t-il de plus doux et de plus commode que d’être sincère, toujours tranquille, d’accord avec soi-même, n’ayant rien à craindre ni à inventer ? au lieu qu’une personne dissimulée est toujours dans l’agitation, dans les remords, dans le danger, dans la déplorable nécessité de couvrir une finesse par cent autres.

Avec toutes ces inquiétudes honteuses, les esprits artificieux n’évitent jamais l’inconvénient qu’ils fuient : tôt ou tard ils passent pour ce qu’ils sont. Si le monde est leur dupe sur quelque action détachée, il ne l’est pas sur le gros de leur vie ; on les devine toujours par quelque endroit : souvent même ils sont dupes de ceux qu’ils veulent tromper ; car on fait semblant de se laisser éblouir par eux, et ils se croient estimés, quoiqu’on les méprise. Mais au moins ils ne se garantissent pas des soupçons : et qu’y a-t-il de plus contraire aux avantages qu’un amour-propre sage doit chercher, que de se voir toujours suspect ? Dites peu à peu ces choses, selon les occasions, les besoins, et la portée des esprits.

Observez encore que la finesse vient toujours d’un cœur bas et d’un petit esprit. On n’est fin qu’à cause qu’on se veut cacher, n’étant pas tel qu’on devrait être, ou que, voulant des choses permises, on prend pour y arriver des moyens indignes, faute d’en savoir choisir d’honnêtes. Faites remarquer aux enfants l’impertinence de certaines finesses qu’ils voient pratiquer, le mépris qu’elles attirent à ceux qui les font ; et enfin faites-leur honte à eux-mêmes, quand vous les surprendrez dans quelque dissimulation. De temps en temps privez-les de ce qu’ils aiment, parce qu’ils ont voulu y arriver par la finesse ; et déclarez qu’ils l’obtiendront quand ils le demanderont simplement ; ne craignez pas même de compatir à leurs petites infirmités, pour leur donner le courage