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point à paraître goûter certaines personnes ou certains livres qui ne leur plaisent pas. Souvent une mère, préoccupée de son directeur, est mécontente de sa fille jusqu’à ce qu’elle prenne sa direction, et la fille le fait par politique contre son goût. Surtout qu’on ne les laisse jamais soupçonner qu’on veut leur inspirer le dessein d’être religieuses : car cette pensée leur ôte la confiance en leurs parents, leur persuade qu’elles n’en sont point aimées, leur agite l’esprit, et leur fait faire un personnage forcé pendant plusieurs années. Quand elles ont été assez malheureuses pour prendre l’habitude de déguiser leurs sentiments, le moyen de les désabuser et de les instruire solidement des maximes de la vraie prudence ; comme on voit que le moyen de les dégoûter des fictions frivoles des romans, est de leur donner le goût des histoires utiles et agréables. Si vous ne leur donnez une curiosité raisonnable, elles en auront une déréglée ; et tout de même, si vous ne formez leur esprit à la vraie prudence, elles s’attacheront à la fausse, qui est la finesse.

Montrez-leur, par des exemples, comment on peut sans tromperie être discret, précautionné, appliqué aux moyens légitimes de réussir. Dites-leur : La principale prudence consiste à parler peu, à se défier bien plus de soi que des autres, mais point à faire des discours faux et des personnages brouillons. La droiture de conduite et la réputation universelle de probité attirent plus de confiance et d’estime, et par conséquent à la longue plus d’avantages, même temporels, que les voies détournées. Combien cette probité judicieuse distingue-t-elle une personne, ne la rend-elle pas propre aux plus grandes choses ! Mais ajoutez combien ce que la finesse cherche est bas et méprisable ; c’est, ou une bagatelle qu’on n’oserait dire, ou une passion pernicieuse. Quand on ne veut