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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

ment il abuse du cor merveilleux, mais il le perd plusieurs fois ; il révèle sottement le secret du hanap, il se laisse dépouiller de l’un et de l’autre. Il fait tout ce qu’il faudrait pour lasser la patience d’Obéron, et Obéron affirme qu’il laissera désormais Huon livré à ses propres forces : mais Obéron pardonne toujours, et Huon recommence ses imprudences, ses étourderies.

Huon conquiert sur le géant Orgueilleux le haubert du nain Obéron, qui rend son possesseur invulnérable, mais quand il s’avance, chargé du heaume, du hanap, de l’olifant, tous les talismans du monde n’empêcheront pas sa faiblesse, car elle réside dans son cœur. Il sera bientôt entraîné à de nouvelles folies. Malgré tout, Obéron ne l’abandonne pas et l’aide à recouvrer Bordeaux, dont, par trahison, Gérard, son frère, s’est emparé. Huon vivra désormais avec sa femme Esclarmonde, après un roman d’amour aussi orageux que ses autres aventures.

Ne croyons pas qu’il y ait du mépris dans cette patience d’Obéron. Quelle belle forme d’amitié sereine, forte, clairvoyante, il nous enseigne ! L’amitié qui s’aveugle n’a rien d’admirable, mais l’amitié qui voit et qui persévère donne à l’humanité la plus haute leçon. Les vieux romans nous fournissent des traits exquis. C’est dans ce monde que nous a menés le délicieux petit roi sauvage, le chevalier-fée, Obéron. Tout le moyen âge a rêvé du cor qui le faisait surgir prêt à défendre les causes chrétiennes, à venger les trahisons, à délivrer les opprimés, et dont les notes claires, entendues au fond des bois charmés, consolaient, apaisaient les cœurs plongés dans l’affliction et l’amertume.

La poésie de Shakespeare lui tressera une parure