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LES FÉES DANS L’ÉPOPÉE CAROLINGIENNE

et de barbarie, mais un tel souffle d’héroïsme y circule, un tel élan de noblesse les soulève, qu’elles imposent, à qui les écoute, le rythme de leur mâle et vigoureuse beauté. Le surnaturel chrétien leur donne une nouvelle auréole de splendeur. À la mort d’un preux, le poète s’écrie : « Que les anges le conduisent au paradis ! »

Les vraies fées ouvrières de prodiges, ce sont les belles et brillantes épées des paladins : Durandal, Hauteclaire, Joyeuse. Elles ont des noms, et presque des âmes ; ou les aime comme d’éblouissantes et virginales fiancées. Il semble qu’on voie en elles les sœurs des Aude, des Ermenjart et des Guibourc, qui sont aussi de graves et belles héroïnes à l’âme pure et droite, dignes d’être aimées par des preux. Roland, avant chacune de ses actions, se demandait : « Que dirait Aude ? » Et celle-ci tomba morte, en apprenant la fin de son fiancé, car elle ne pouvait survivre à son amour. Dans la Geste d’Aymeri, la noble Ermenjart est aussi héroïque que son seigneur ; plus tard, ses fils songeront que leur père dut acquérir un nouveau courage en combattant sous les yeux d’une pareille femme. Dans la Geste de Guillaume, Guibourc, sous le nom d’Orable, fut une belle princesse d’Orient, quelque peu magicienne. Allons-nous ici effleurer la féerie ? Guibourc se convertit. Elle est épouse de Guillaume, tante de Vivien, ce tout jeune héros dont les Enfances constituent un délicieux poème, et qui doit mourir sur le champ de bataille des Aliscamps, après avoir communié ; c’est elle qui refusera de reconnaître son mari sous les traits d’un fugitif, parce qu’elle ne peut croire à sa défaite, et puis se révélera dévouée jusqu’au sublime, après l’avoir reconnu. La passion chevaleresque en-