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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

dans les pires détresses. Leur science fut de celles qui enfièvrent une âme, et ne l’élèvent point. Elles avaient voulu percer les nuages et les brumes de tous les horizons. Elles ne virent plus la douceur des aurores et la paix des couchants, plus même, à leurs pieds, le terrain sur lequel s’avançaient leurs pas meurtris. D’autres viendront recueillir la beauté réelle et la sagesse profonde. Comme les devineresses de Dante, ces pauvres fées ne sont vraiment que de « tristes femmes ».


VI

LA FÉERIE DE TRISTAN


Chanté, récité, composé par des auteurs divers, fragmenté l’on ne sait trop comment, ici, là, Tristan est une des œuvres médiévales qui semblent avoir le plus de prise sur l’imagination moderne.

Primitivement, les fées hantaient peut-être le roman d’Iseut et de Tristan, comme celui de Genièvre et de Lancelot. Il vient de très loin, ce grand poème d’amour. Gaston Paris déclare qu’il fut peut-être conçu chez les Pictes, en tout cas chez les Celtes, et que, même chez les Celtes, il était déjà pénétré d’influences antiques et orientales. Il sort des forêts celtiques et des mers septentrionales, mais les vagues lui ont apporté le mirage des mers ensoleillées où glissa le navire d’Hélène, et des brises se jouent autour des chênes armoricains après avoir baisé la cime des oliviers qui virent passer